La dépression et les maladies mentales constituent aujourd’hui un enjeu majeur dans la fonction publique. Pour les agents en souffrance psychologique, plusieurs dispositifs existent pour les accompagner dans leurs difficultés. Le Congé de Longue Durée (CLD) représente une solution spécifique pour les pathologies psychiatriques graves, offrant un cadre protecteur adapté aux besoins des fonctionnaires.
Cette mesure permet aux agents touchés par une maladie mentale de bénéficier d’un temps de soins prolongé tout en préservant leurs droits statutaires. Contrairement aux idées reçues, la dépression peut effectivement justifier l’octroi d’un CLD sous certaines conditions médicales strictes.
Le Congé de Longue Durée pour maladie mentale est un dispositif règlementaire spécifiquement prévu pour les fonctionnaires souffrant de pathologies psychiatriques invalidantes. Il fait partie des cinq affections ouvrant droit au CLD : tuberculose, maladie mentale, cancer, poliomyélite et déficit immunitaire grave et acquis.
Ce congé concerne l’ensemble des trois fonctions publiques : d’État, territoriale et hospitalière. Il s’applique aussi bien aux fonctionnaires titulaires qu’aux stagiaires en activité ou en détachement.
Le terme « maladie mentale » englobe un large spectre de pathologies psychiatriques, incluant la dépression majeure, les troubles bipolaires, la schizophrénie, les troubles anxieux généralisés sévères ou encore les troubles obsessionnels compulsifs invalidants.
Différence entre CLD et CLM
Le CLD se distingue du Congé de Longue Maladie (CLM) par sa durée et ses conditions d’attribution. Tandis que le CLM peut être accordé pour diverses maladies graves sur 3 ans maximum, le CLD est réservé aux cinq affections spécifiques et peut s’étendre jusqu’à 5 ans.
En général, le fonctionnaire ne peut être placé en CLD qu’à l’issue de la première année de CLM rémunérée à plein traitement. Cette période est alors requalifiée comme une période de CLD pour la même affection.
Conditions d’éligibilité pour un CLD dépression
Pour bénéficier d’un CLD au titre d’une maladie mentale, plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies. La pathologie doit présenter un caractère invalidant confirmé qui rend impossible l’exercice des fonctions habituelles.
La maladie doit nécessiter un traitement et des soins prolongés, justifiant une absence de longue durée. Le simple épuisement professionnel ou un épisode dépressif léger ne suffisent généralement pas à justifier un CLD.
Critères médicaux spécifiques
Les pathologies mentales éligibles au CLD doivent revêtir une gravité particulière et un caractère chronique ou récurrent. Une dépression sévère avec épisodes récurrents, notamment accompagnée d’idées suicidaires ou d’une hospitalisation psychiatrique, peut constituer un motif valable.
Les troubles psychotiques, les dépressions résistantes aux traitements conventionnels ou les pathologies duales (association maladie mentale et addiction) entrent également dans ce cadre.
L’évaluation se fait au cas par cas par le conseil médical, qui apprécie la gravité et le pronostic de l’affection. L’expertise médicale reste déterminante dans l’acceptation de la demande.
Situation administrative requise
Le demandeur doit être fonctionnaire en activité ou en détachement au moment de la demande. Les agents en disponibilité ne peuvent prétendre à un congé de maladie de quelque nature que ce soit.
Le fonctionnaire peut obtenir 5 ans de CLD au cours de sa carrière au titre de chaque groupe de maladies. Cependant, le CLD n’est pas renouvelable pour la même affection une fois les 5 ans épuisés.
Procédure de demande de CLD pour maladie mentale
La demande de CLD suit une procédure médicale rigoureuse, similaire à celle du CLM mais avec des examens approfondis compte tenu de la durée accordée. Le fonctionnaire doit adresser sa demande à son administration employeur.
Un certificat médical détaillé du médecin traitant doit accompagner la demande, précisant la nature de l’affection, son évolution prévisible et la nécessité de soins prolongés.
Rôle du conseil médical
Le conseil médical joue un rôle central dans l’instruction du dossier. Cet organe collégial examine l’ensemble des pièces médicales et peut recourir à l’expertise d’un médecin agréé spécialisé en psychiatrie.
Le fonctionnaire dispose de droits procéduraux importants : consultation de son dossier, présentation d’observations écrites, possibilité d’être accompagné par une personne de son choix lors des examens.
Le médecin traitant ou un psychiatre choisi par l’agent peut être entendu par le conseil médical pour éclairer sa décision. Cette audition permet d’apporter des précisions sur l’évolution clinique et les perspectives thérapeutiques.
Délais et notification
Le secrétariat du conseil médical informe l’agent au moins 10 jours ouvrés avant la réunion. Cette notification précise les modalités de consultation du dossier et les voies de recours possibles.
L’avis du conseil médical est transmis simultanément au fonctionnaire et à son administration. En cas d’avis défavorable, l’agent peut contester la décision devant le conseil médical supérieur.
Durée et renouvellement du CLD
Le CLD pour maladie mentale peut s’étendre sur une période maximale de 5 ans au cours de la carrière du fonctionnaire. Cette durée globale n’est pas nécessairement continue et peut être utilisée de manière fractionnée selon l’évolution de la pathologie.
Le congé est accordé et renouvelé par périodes de 3 à 6 mois, nécessitant à chaque fois un avis médical actualisant l’état de santé. Les trois premières années sont rémunérées à plein traitement, tandis que les deux années suivantes le sont à demi-traitement.
Particularités du CLD pour troubles mentaux
Les maladies mentales présentent souvent des évolutions cycliques avec des phases de rémission et de rechute. Le CLD n’est généralement pas adapté aux pathologies comportant des périodes de rémission prolongées, qui relèvent plutôt du CLM discontinu.
Cependant, pour certaines affections chroniques comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires sévères, le CLD peut se justifier par la nécessité d’un suivi thérapeutique intensif sur le long terme.
L’administration peut, sur demande irrevocable de l’agent et après avis du conseil médical, maintenir le fonctionnaire en CLM alors qu’il pourrait prétendre à un CLD. Cette option permet de préserver ses droits à un futur CLD au titre de la même affection.
Conditions de renouvellement
Chaque demande de renouvellement doit être étayée par des éléments médicaux récents démontrant la persistance de l’invalidité. Le conseil médical apprécie l’évolution de la pathologie et l’efficacité des traitements mis en œuvre.
Une fois les 5 ans de CLD épuisés pour une même affection, le fonctionnaire ne peut plus prétendre à un nouveau CLD au titre de cette pathologie. Il conserve néanmoins ses droits aux autres types de congés maladie si son état de santé le justifie.
Rémunération pendant le CLD
Le régime de rémunération du CLD est plus favorable que celui du CLM, reflétant la gravité particulière des affections concernées. Le traitement indiciaire est maintenu à 100% pendant toute la durée du congé, contrairement au CLM qui prévoit une réduction à demi-traitement après la première année.
Cette disposition offre une sécurité financière essentielle aux fonctionnaires confrontés à des pathologies mentales invalidantes, souvent accompagnées de frais médicaux importants et d’une incapacité de travail prolongée.
Éléments de rémunération maintenus
Le traitement de base continue d’être versé intégralement. L’indemnité de résidence est également maintenue à 100% pendant toute la durée du CLD.
Pour le supplément familial de traitement, le maintien intégral est prévu pendant les 3 premières années, puis une réduction à 60% s’applique les 2 années suivantes, à condition que l’agent ne soit pas remplacé dans ses fonctions.
Les primes et indemnités font l’objet d’un traitement spécifique. Dans la fonction publique d’État, elles sont maintenues à hauteur de 33% la première année, puis 60% les années suivantes. Les règles peuvent varier selon les fonctions publiques territoriale et hospitalière.
Prise en charge des frais médicaux
L’administration prend en charge l’intégralité des frais liés aux examens médicaux qu’elle demande : honoraires de médecin agréé, frais de transport pour se rendre aux consultations spécialisées, coût des expertises complémentaires.
Cette prise en charge allège significativement le poids financier des démarches administratives pour les fonctionnaires en souffrance psychologique, souvent fragilisés économiquement par leur situation.
Impact sur la carrière et les droits
Le CLD pour maladie mentale présente l’avantage de préserver les droits à l’avancement et à la retraite du fonctionnaire. Le temps passé en congé est intégralement pris en compte pour les droits à pension et n’affecte pas les perspectives d’évolution professionnelle.
Cette protection statutaire constitue un atout considérable pour les agents souffrant de pathologies mentales, leur permettant d’envisager sereinement leur retour à l’emploi sans pénalisation de carrière.
Maintien des droits sociaux
Les congés annuels non pris en raison du CLD peuvent faire l’objet d’un report partiel. Les droits aux congés de maternité, d’adoption, de formation syndicale ou de bilan de compétences demeurent intacts.
En revanche, les périodes de CLD n’ouvrent pas droit à des réductions du temps de travail (RTT). Pour les fonctionnaires stagiaires, le CLD prolonge la durée du stage d’autant.
Le fonctionnaire en CLD peut solliciter des formations ou un bilan de compétences favorisant sa réadaptation professionnelle, sous réserve de l’avis favorable du conseil médical.
Perspectives de reclassement
Lorsque l’état de santé ne permet pas la reprise des fonctions antérieures mais autorise l’exercice d’autres activités, des mesures de reclassement peuvent être envisagées. L’administration a l’obligation de rechercher des postes compatibles avec les capacités résiduelles de l’agent.
Cette démarche s’accompagne souvent d’aménagements du poste de travail, de formations complémentaires ou d’un accompagnement psychologique spécialisé dans la réinsertion professionnelle.
Obligations durant le CLD
Le fonctionnaire en CLD pour maladie mentale doit respecter certaines obligations destinées à faciliter le suivi médical et les contrôles administratifs. L’arrêt de toute activité professionnelle rémunérée constitue la première de ces obligations, sauf activités thérapeutiques prescrites.
Ces contraintes, bien qu’apparemment restrictives, visent à garantir l’efficacité du traitement et à prévenir d’éventuels abus du système.
Obligations de déclaration
Tout changement de domicile doit être signalé promptement à l’administration employeur. Les absences du domicile supérieures à 2 semaines doivent également être déclarées, avec indication des dates et lieux de séjour.
Cette exigence ne s’applique pas en cas d’hospitalisation, situation fréquente dans le cadre des pathologies mentales sévères. Les séjours en établissement spécialisé ou les cures thermales prescrites entrent dans ce cadre dérogatoire.
Les visites de contrôle prescrites par le médecin agréé ou le conseil médical sont obligatoires. Le refus de s’y soumettre entraîne la suspension immédiate de la rémunération jusqu’à régularisation.
Activités autorisées
Certaines activités peuvent être exercées pendant le CLD si elles concourent à la réadaptation ou à la reconversion professionnelle. Les ateliers thérapeutiques, le bénévolat encadré médicalement ou les stages de réinsertion entrent dans cette catégorie.
Ces activités doivent faire l’objet d’une prescription médicale explicite et d’un avis favorable du conseil médical. Elles constituent souvent des étapes importantes dans le processus de guérison et de retour progressif à l’emploi.
Retour à l’emploi après un CLD
La fin du CLD pour maladie mentale ouvre plusieurs scenarii selon l’évolution de l’état de santé du fonctionnaire. Un certificat médical d’aptitude à la reprise est systématiquement exigé, délivré par le médecin traitant et validé par le conseil médical.
Cette phase de transition nécessite une préparation minutieuse, souvent accompagnée d’un suivi psychologique renforcé pour gérer l’appréhension du retour au travail.
Reprise des fonctions antérieures
Lorsque l’aptitude à reprendre les fonctions antérieures est reconnue, la réintégration s’effectue progressivement. Le poste de travail peut être adapté aux séquelles éventuelles ou aux traitements en cours.
Un temps partiel thérapeutique peut être proposé pour faciliter la transition. Cette mesure permet au fonctionnaire de retrouver progressivement ses repères professionnels tout en poursuivant son suivi médical.
L’accompagnement par le service de médecine de prévention et les ressources humaines s’avère crucial dans cette étape. Des entretiens réguliers permettent d’ajuster les conditions de travail aux capacités effectives de l’agent.
Mesures de reclassement
En cas d’inaptitude aux fonctions antérieures mais d’aptitude à d’autres emplois, des mesures de reclassement sont mises en œuvre. L’administration doit proposer des postes compatibles avec l’état de santé du fonctionnaire.
Ces propositions peuvent concerner des emplois de niveau équivalent, inférieur, ou nécessitant une formation complémentaire. Le refus de postes proposés sans motif médical valable peut conduire au licenciement après avis de la commission administrative paritaire.
En cas d’inaptitude définitive à tout emploi, l’admission à la retraite pour invalidité peut être prononcée, quel que soit l’âge ou le nombre de trimestres acquis.

